AFFAIRE SOCIETE GENERALE
AFFAIRE SOCIETE GENERALEC’est l’histoire d’un record mondial des sinistres bancaires ou comment un jeune trader aurait fait perdre 4,9 milliards d’euros à son employeur, la Société générale, en déjouant les systèmes de contrôle. Une affaire qui, sur fond de crise des subprimes, suscite le scepticisme des milieux économiques et des interrogations sur les failles du système financier.
Considéré jusqu’à vendredi 25 janvier 2008 comme un petit trader sans histoire, travaillant dans l’équipe des Delta One Products de la Société générale, Jérôme Kerviel est devenu en vingt-quatre heures une célébrité mondiale.
Mieux que son confrère Nick Leeson, qui avait causé le naufrage de la banque Barings dans les années 90, avec une ardoise de "seulement" 1,4 milliard de dollars, Jérôme Kerviel est accusé par la Société générale d’avoir pris des positions frauduleuses atteignant la somme d’"environ 50 milliards d’euros", avant d’être liquidées dans l’urgence par l’établissement bancaire, ramenant la perte finale à 4,9 milliards d’euros.
Une annonce qui, après la stupéfaction, a fait place à l’incompréhension. Dans les milieux financiers comme dans la classe politique, de nombreuses voix se sont élevées pour exprimer leur incrédulité, voire un certain scepticisme, devant l’ampleur des dégâts. Comment un homme seul a-t-il pu provoquer une perte si colossale ? Comment a-t-il pu déjouer tous les systèmes de contrôle et ainsi entamer la réputation d’une banque louée jusqu’ici pour l’excellence de ses activités de marché ?
Remise en cause par de nombreux experts, la thèse du trader fou semblerait aujourd’hui se confirmer. Jérôme Kerviel ayant admis, pendant sa garde à vue, "avoir accompli certains actes et faits pour dissimuler" ses actions sur le marché et avoir "agi seul" depuis 2005. Le jeune homme aurait ainsi espéré apparaître comme un trader d’exception et obtenir des primes de rendement supérieures à 300 000 euros pour 2007.
Après une courte audition par les deux juges d’instruction financiers désignés, Renaud Van Ruymbeke et Françoise Desset, il a été mis en examen pour "abus de confiance, faux et usage de faux, introduction dans un système de traitement automatisé de données" et remis en liberté sous contrôle judiciaire.
Par ailleurs, la révélation, par l’organisme de contrôle des marchés financiers, d’une vente de 85,7 millions d’euros d’actions de la Société générale par un de ses membres du conseil d’administration, le 9 janvier 2008 (soit deux semaines avant que la banque ne rende publique la perte de 4,9 milliards d’euros), pose aujourd’hui la question de l’existence d’un délit initié. Et l’avocat d’une centaine d’actionnaires de l’établissement bancaire, Me Frederik-Karel Canoy, a annoncé avoir déposé une plainte contre X auprès du procureur de Paris pour "manipulation de cours" et "délit d’initié".
Discrédité par cette affaire, devenue le symbole de l’existence de failles dans le système financier, la Société générale devrait, malgré ses pertes, échapper à la faillite mais parviendra-t-elle à garder son indépendance ? Pour redresser les fonds propres, le conseil d’administration a en effet décidé de procéder à une augmentation de capital de 5,5 milliards d’euros. Une occasion, peut-être, pour plusieurs rivaux de procéder à une OPA sur la banque.